le gâteau le spleen de paris charles baudelaire
CheyalderaceUn). ChienetleFlacon(Le) ConfiteordeFArtiste Corde(La) CrépusculeduSoir(Le) Déjà!. DésespoirdelaVieilleSite De Rencontre Femme Americaine Gratuit. Le Spleen de Paris, également connu sous le titre Petits poèmes en prose, est un recueil posthume de poésies en prose de Charles Baudelaire, établi par Charles Asselineau et Théodore de Banville. Il a été publié pour la première fois en 1869 dans le quatrième volume des oeuvres complètes de Baudelaire publié par l'éditeur Michel Levy après la mort du poète. Ce recueil fut conçu comme un pendant » aux Fleurs du Mal. Baudelaire y fait l'expérience d'une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ». Le recueil de Baudelaire comprend les poèmes suivants À Arsène Houssaye I. L'Étranger II. Le Désespoir de la vieille III. Le Confiteor de l'artiste IV. Un plaisant V. La Chambre double VI. Chacun sa chimère VII. Le Fou et la Vénus VIII. Le Chien et le Flacon IX. Le Mauvais Vitrier X. À une heure du matin XI. La Femme sauvage et la Petite-maîtresse XII. Les Foules XIII. Les Veuves XIV. Le Vieux Saltimbanque XV. Le Gâteau XVI. L'Horloge XVII. Un hémisphère dans une chevelure XVIII. L'Invitation au voyage 2e version XIX. Le Joujou du pauvre XX. Les Dons des fées XXI. Les Tentations ou Eros, Plutus et la Gloire XXII. Le Crépuscule du soir XXIII. La Solitude XXIV. Les Projets XXV. La Belle Dorothée XXVI. Les Yeux des pauvres XXVII. Une mort héroïque XXVIII. La Fausse Monnaie XXIX. Le Joueur généreux XXX. La Corde XXXI. Les Vocations XXXII. Le Thyrse XXXIII. Enivrez-vous XXXIV. Déjà ! XXXV. Les Fenêtres XXXVI. Le Désir de peindre XXXVII. Les Bienfaits de la lune XXXVIII. Laquelle est la vraie ? XXXIX. Un cheval de race XL. Le Miroir XLI. Le Port XLII. Portraits de maîtresses XLIII. Le Galant Tireur XLIV. La Soupe et les Nuages XLV. Le Tir et le Cimetière XLVI. Perte d'auréole XLVII. Mademoiselle Bistouri XLVIII. Anywhere out of the World XLIX. Assommons les Pauvres ! L. Les Bons Chiens Épilogue.
Il se disait, en se promenant dans un grand parc solitaire Comme elle serait belle dans un costume de cour, compliqué et fastueux, descendant, à travers l’atmosphère d’un beau soir, les degrés de marbre d’un palais, en face des grandes pelouses et des bassins ! Car elle a naturellement l’air d’une princesse. » En passant plus tard dans une rue, il s’arrêta devant une boutique de gravures, et, trouvant dans un carton une estampe représentant un paysage tropical, il se dit Non ! ce n’est pas dans un palais que je voudrais posséder sa chère vie. Nous n’y serions pas chez nous. D’ailleurs ces murs criblés d’or ne laisseraient pas une place pour accrocher son image ; dans ces solennelles galeries, il n’y a pas un coin pour l’intimité. Décidément, c’est là qu’il faudrait demeurer pour cultiver le rêve de ma vie. » Et, tout en analysant des yeux les détails de la gravure, il continuait mentalement Au bord de la mer, une belle case en bois, enveloppée de tous ces arbres bizarres et luisants dont j’ai oublié les noms….., dans l’atmosphère, une odeur enivrante, indéfinissable….., dans la case un puissant parfum de rose et de musc…., plus loin, derrière notre petit domaine, des bouts de mâts balancés par la houle….., autour de nous, au delà de la chambre éclairée d’une lumière rose tamisée par les stores, décorée de nattes fraîches et de fleurs capiteuses, avec de rares siéges d’un rococo Portugais, d’un bois lourd et ténébreux où elle reposerait si calme, si bien éventée, fumant le tabac légèrement opiacé !, au delà de la varangue, le tapage des oiseaux ivres de lumières, et le jacassement des petites négresses….., et, la nuit, pour servir d’accompagnement à mes songes, le chant plaintif des arbres à musique, des mélancoliques filaos ! Oui, en vérité, c’est bien là le décor que je cherchais. Qu’ai-je à faire de palais ? » Et plus loin, comme il suivait une grande avenue, il aperçut une auberge proprette, où d’une fenêtre égayée par des rideaux d’indienne bariolée se penchaient deux têtes rieuses. Et tout de suite Il faut, — se dit-il, — que ma pensée soit une grande vagabonde pour aller chercher si loin ce qui est si près de moi. Le plaisir et le bonheur sont dans la première auberge venue, dans l’auberge du hasard, si féconde en voluptés. Un grand feu, des faïences voyantes, un souper passable, un vin rude, et un lit très-large avec des draps un peu âpres, mais frais ; quoi de mieux ? » Et en rentrant seul chez lui, à cette heure où les conseils de la Sagesse ne sont plus étouffés par les bourdonnements de la vie extérieure, il se dit J’ai eu aujourd’hui, en rêve, trois domiciles où j’ai trouvé un égal plaisir. Pourquoi contraindre mon corps à changer de place, puisque mon âme voyage si lestement ? Et à quoi bon exécuter des projets, puisque le projet est en lui-même une jouissance suffisante ? »
XVI L’HORLOGE Les Chinois voient l’heure dans l’œil des chats. Un jour un missionnaire, se promenant dans la banlieue de Nankin, s’aperçut qu’il avait oublié sa montre, et demanda à un petit garçon quelle heure il était. Le gamin du céleste Empire hésita d’abord ; puis, se ravisant, il répondit Je vais vous le dire ». Peu d’instants après, il reparut, tenant dans ses bras un fort gros chat, et le regardant, comme on dit, dans le blanc des yeux, il affirma sans hésiter Il n’est pas encore tout à fait midi. » Ce qui était vrai. Pour moi, si je me penche vers la belle Féline, la si bien nommée, qui est à la fois l’honneur de son sexe, l’orgueil de mon cœur et le parfum de mon esprit, que ce soit la nuit, que ce soit le jour, dans la pleine lumière ou dans l’ombre opaque, au fond de ses yeux adorables je vois toujours l’heure distinctement, toujours la même, une heure vaste, solennelle, grande comme l’espace, sans divisions de minutes ni de secondes, — une heure immobile qui n’est pas marquée sur les horloges, et cependant légère comme un soupir, rapide comme un coup d’œil. Et si quelque importun venait me déranger pendant que mon regard repose sur ce délicieux cadran, si quelque Génie malhonnête et intolérant, quelque Démon du contre-temps venait me dire Que regardes-tu là avec tant de soin ? Que cherches-tu dans les yeux de cet être ? Y vois-tu l’heure, mortel prodigue et fainéant ? » je répondrais sans hésiter Oui, je vois l’heure ; il est l’Éternité ! » N’est-ce pas, madame, que voici un madrigal vraiment méritoire, et aussi emphatique que vous-même ? En vérité, j’ai eu tant de plaisir à broder cette prétentieuse galanterie, que je ne vous demanderai rien en échange.
Je voyageais. Le paysage au milieu duquel j'étais placé était d'une grandeur et d'une noblesse irrésistibles. Il en passa sans doute en ce moment quelque chose dans mon âme. Mes pensées voltigeaient avec une légèreté égale à celle de l'atmosphère ; les passions vulgaires, telles que la haine et l'amour profane, m'apparaissaient maintenant aussi éloignées que les nuées qui défilaient au fond des abîmes sous mes pieds ; mon âme me semblait aussi vaste et aussi pure que la coupole du ciel dont j'étais enveloppé ; le souvenir des choses terrestres n'arrivait à mon cœur qu'affaibli et diminué, comme le son de la clochette des bestiaux imperceptibles qui paissaient loin, bien loin, sur le versant d'une autre montagne. Sur le petit lac immobile, noir de son immense profondeur, passait quelquefois l'ombre d'un nuage, comme le reflet du manteau d'un géant aérien volant à travers le ciel. Et je me souviens que cette sensation solennelle et rare, causée par un grand mouvement parfaitement silencieux, me remplissait d'une joie mêlée de peur. Bref, je me sentais, grâce à l'enthousiasmante beauté dont j'étais environné, en parfaite paix avec moi-même et avec l'univers ; je crois même que, dans ma parfaite béatitude et dans mon total oubli de tout le mal terrestre, j'en étais venu à ne plus trouver si ridicules les journaux qui prétendent que l'homme est né bon ; — quand la matière incurable renouvelant ses exigences, je songeai à réparer la fatigue et à soulager l'appétit causés par une si longue ascension. Je tirai de ma poche un gros morceau de pain, une tasse de cuir et un flacon d'un certain élixir que les pharmaciens vendaient dans ce temps-là aux touristes pour le mêler dans l'occasion avec de l'eau de découpais tranquillement mon pain, quand un bruit très-léger me fit lever les yeux. Devant moi se tenait un petit être déguenillé, noir, ébouriffé, dont les yeux creux, farouches et comme suppliants, dévoraient le morceau de pain. Et je l'entendis soupirer, d'une voix basse et rauque, le mot gâteau ! Je ne pus m'empêcher de rire en entendant l'appellation dont il voulait bien honorer mon pain presque blanc, et j'en coupai pour lui une belle tranche que je lui offris. Lentement il se rapprocha, ne quittant pas des yeux l'objet de sa convoitise ; puis, happant le morceau avec sa main, se recula vivement, comme s'il eût craint que mon offre ne fût pas sincère ou que je m'en repentisse au même instant il fut culbuté par un autre petit sauvage, sorti je ne sais d'où, et si parfaitement semblable au premier qu'on aurait pu le prendre pour son frère jumeau. Ensemble ils roulèrent sur le sol, se disputant la précieuse proie, aucun n'en voulant sans doute sacrifier la moitié pour son frère. Le premier, exaspéré, empoigna le second par les cheveux ; celui-ci lui saisit l'oreille avec les dents, et en cracha un petit morceau sanglant avec un superbe juron patois. Le légitime propriétaire du gâteau essaya d'enfoncer ses petites griffes dans les yeux de l'usurpateur ; à son tour celui-ci appliqua toutes ses forces à étrangler son adversaire d'une main, pendant que de l'autre il tâchait de glisser dans sa poche le prix du combat. Mais, ravivé par le désespoir, le vaincu se redressa et fit rouler le vainqueur par terre d'un coup de tête dans l'estomac. À quoi bon décrire une lutte hideuse qui dura en vérité plus longtemps que leurs forces enfantines ne semblaient le promettre ? Le gâteau voyageait de main en main et changeait de poche à chaque instant ; mais, hélas ! il changeait aussi de volume ; et lorsque enfin, exténués, haletants, sanglants, ils s'arrêtèrent par impossibilité de continuer, il n'y avait plus, à vrai dire, aucun sujet de bataille ; le morceau de pain avait disparu, et il était éparpillé en miettes semblables aux grains de sable auxquels il était spectacle m'avait embrumé le paysage, et la joie calme où s'ébaudissait mon âme avant d'avoir vu ces petits hommes avait totalement disparu ; j'en restai triste assez longtemps, me répétant sans cesse Il y a donc un pays superbe où le pain s'appelle du gâteau, friandise si rare qu'elle suffit pour engendrer une guerre parfaitement fratricide ! »
Pour les autres utilisations de ce mot ou de ce titre, voir Le Gâteau. XV LE GÂTEAU Je voyageais. Le paysage au milieu duquel j’étais placé était d’une grandeur et d’une noblesse irrésistibles. Il en passa sans doute en ce moment quelque chose dans mon âme. Mes pensées voltigeaient avec une légèreté égale à celle de l’atmosphère ; les passions vulgaires, telles que la haine et l’amour profane, m’apparaissaient maintenant aussi éloignées que les nuées qui défilaient au fond des abîmes sous mes pieds ; mon âme me semblait aussi vaste et aussi pure que la coupole du ciel dont j’étais enveloppé ; le souvenir des choses terrestres n’arrivait à mon cœur qu’affaibli et diminué, comme le son de la clochette des bestiaux imperceptibles qui paissaient loin, bien loin, sur le versant d’une autre montagne. Sur le petit lac immobile, noir de son immense profondeur, passait quelquefois l’ombre d’un nuage, comme le reflet du manteau d’un géant aérien volant à travers le ciel. Et je me souviens que cette sensation solennelle et rare, causée par un grand mouvement parfaitement silencieux, me remplissait d’une joie mêlée de peur. Bref, je me sentais, grâce à l’enthousiasmante beauté dont j’étais environné, en parfaite paix avec moi-même et avec l’univers ; je crois même que, dans ma parfaite béatitude et dans mon total oubli de tout le mal terrestre, j’en étais venu à ne plus trouver si ridicules les journaux qui prétendent que l’homme est né bon ; — quand la matière incurable renouvelant ses exigences, je songeai à réparer la fatigue et à soulager l’appétit causés par une si longue ascension. Je tirai de ma poche un gros morceau de pain, une tasse de cuir et un flacon d’un certain élixir que les pharmaciens vendaient dans ce temps-là aux touristes pour le mêler dans l’occasion avec de l’eau de neige. Je découpais tranquillement mon pain, quand un bruit très-léger me fit lever les yeux. Devant moi se tenait un petit être déguenillé, noir, ébouriffé, dont les yeux creux, farouches et comme suppliants, dévoraient le morceau de pain. Et je l’entendis soupirer, d’une voix basse et rauque, le mot gâteau ! Je ne pus m’empêcher de rire en entendant l’appellation dont il voulait bien honorer mon pain presque blanc, et j’en coupai pour lui une belle tranche que je lui offris. Lentement il se rapprocha, ne quittant pas des yeux l’objet de sa convoitise ; puis, happant le morceau avec sa main, se recula vivement, comme s’il eût craint que mon offre ne fût pas sincère ou que je m’en repentisse déjà. Mais au même instant il fut culbuté par un autre petit sauvage, sorti je ne sais d’où, et si parfaitement semblable au premier qu’on aurait pu le prendre pour son frère jumeau. Ensemble ils roulèrent sur le sol, se disputant la précieuse proie, aucun n’en voulant sans doute sacrifier la moitié pour son frère. Le premier, exaspéré, empoigna le second par les cheveux ; celui-ci lui saisit l’oreille avec les dents, et en cracha un petit morceau sanglant avec un superbe juron patois. Le légitime propriétaire du gâteau essaya d’enfoncer ses petites griffes dans les yeux de l’usurpateur ; à son tour celui-ci appliqua toutes ses forces à étrangler son adversaire d’une main, pendant que de l’autre il tâchait de glisser dans sa poche le prix du combat. Mais, ravivé par le désespoir, le vaincu se redressa et fit rouler le vainqueur par terre d’un coup de tête dans l’estomac. À quoi bon décrire une lutte hideuse qui dura en vérité plus longtemps que leurs forces enfantines ne semblaient le promettre ? Le gâteau voyageait de main en main et changeait de poche à chaque instant ; mais, hélas ! il changeait aussi de volume ; et lorsque enfin, exténués, haletants, sanglants, ils s’arrêtèrent par impossibilité de continuer, il n’y avait plus, à vrai dire, aucun sujet de bataille ; le morceau de pain avait disparu, et il était éparpillé en miettes semblables aux grains de sable auxquels il était mêlé. Ce spectacle m’avait embrumé le paysage, et la joie calme où s’ébaudissait mon âme avant d’avoir vu ces petits hommes avait totalement disparu ; j’en restai triste assez longtemps, me répétant sans cesse Il y a donc un pays superbe où le pain s’appelle du gâteau, friandise si rare qu’elle suffit pour engendrer une guerre parfaitement fratricide ! »
le gâteau le spleen de paris charles baudelaire